1764 : Attention à la Bête, la vilaine bébête !
- Le Gabale
- 26 juil. 2023
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 sept. 2023
« Une bête féroce qui mangeait le monde… » C’est ainsi que l’on commencera à décrire en 1764 cet étrange animal qui va dévorer en 3 ans une centaine d'enfants et de femmes dans le Gévaudan.

La Bête face aux dragons du Roi.
Du 30 juin au 28 septembre 1764, 8 victimes sont recensées : 7 enfants de 12 à 15 ans et une femme de 36 ans. Face à ce carnage, le syndic du Gévaudan, fait appel au capitaine Duhamel et à ses 57 dragons. Mais ces chasseurs s’avèrent bien peu efficaces. De plus, ils piétinent gaiement les cultures pendant leurs battues et réquisitionnent sans compter les vivres ; de quoi agacer la population locale, essentiellement paysanne et pauvre.
La Bête face à ses victimes héroïques.
Pendant ce temps, La Bête poursuit ses carnages de Prunières à Saint-Alban de Limagnole et à Aumont-Aubrac. En 1765, elle tuera 13 personnes uniquement sur le mois de janvier. Toutefois, certains arrivent à la mettre en déroute. C’est le cas de deux jeunes enfants et d’un plus grand de 12 ans vers Saint-Alban et Saugues, qui vont parvenir à la faire fuir après un long combat, grâce à leurs bâtons surmontés d'un couteau. Le 13 mars a lieu un combat héroïque entre Jeanne Louve et La Bête à la Veissière de Saint-Alban. La pauvre femme va se lancer dans un au corps à corps infernal pour arracher de l’animal son enfant d’à peine 14 mois. Malheureusement, ce dernier, avec le nez déchiqueté et la peau du crane emportée mourra trois jours plus tard.
La Bête face aux louvetiers.
Face à l’incompétence de Duhamel, Louis XV fait appel à Denneval, le grand louvetier. Le Normand a la réputation d'avoir tué 1200 loups. Avec son fils, il se met à l'ouvrage dès le mois de mars. Mais le pays rude, glacial et escarpé du Gévaudan n’a rien à voir avec les plaines normandes. Installés au Malzieu, les Denneval organisent des battues mobilisant jusqu'à 20 paroisses... Sans succès. Ici encore, la morgue des normands ne va pas passer avec les paysans. Ses battues mobilisent énormément de monde, autant de bras en moins pour faire tourner l’économie locale.
La Bête face aux chasseurs de la Cour.
Alors que La Bête comptabilise trente victimes supplémentaires entre le mois de février et la fin mai, Louis XV envoie alors le lieutenant de ses chasses, François Antoine de Beauterne. Il débarque avec 14 chasseurs d'élite et leurs meilleurs limiers. Pour Beauterne, les traces de l'animal sont sans aucun doute celles d’un loup. Après avoir abattu dans les bois de Notre-Dame-des-Chazes un loup de grande taille, Beauterne repart pour Paris avec dans ses bagages, la dépouille embaumée de l’animal. Présentée en grandes pompes à Versailles, elle va susciter de vifs émois à la Cour. Pour le Roi, c’est officiel : « La Bête du Gévaudan est morte. »
La Bête face aux Chastel ?
Hélas, au printemps 1766, les meurtres reprennent de plus belle aux alentours du Mont Mouchet. Mais pour le Pouvoir, l'affaire est close et la Cour est passée à autre chose. « Ce sont de simples loups, il n'y a qu'à les empoisonner et qu’on n’en parle plus ! » Après une accalmie, les massacres reprennent en mars 1767. Ils feront une quinzaine de victimes supplémentaires. Enfin, au cours d'une chasse dirigée par le marquis d'Apcher, Jean Chastel finit par tuer un énorme loup et le carnage prend fin. Le notaire de Langeac va décrire dans son rapport l'animal avec beaucoup de précision : c'est bien un loup, mais on note toutefois que son pelage est étrange...
La Bête devenue Légende.
Qu’en conclure ? La presse de l’époque et les racontars de toute sorte ont bien nourri La Bête aussi dans la construction de sa légende. Le pouvoir ecclésiastique ne sera pas en reste pour transformer ses méfaits en punition divine. Le 3 décembre 1764, l'évêque de Mende avait présenté la Bête comme un fléau de Dieu, notamment contre la coquetterie des filles !
Certains vont voir en elle une bête démoniaque, subtile, invulnérable, qu'il faut chasser à l'eau bénite. D'autres parlent de sorcière ou de loup-garou... C’est d’ailleurs la thèse développée par Puech en 1911 qui attribue ces meurtres à un sadique. Pourtant, on a plus souvent vu la Bête courir sur 4 pattes que sur 2 !
La Bête reste un mystère 260 ans plus tard.
Une autre piste serait celle des Chastel. Henri Pourrat a bâti tout un roman sur AntoineChastel, le fils de Jean. C’est aussi cette piste qui alimentera le très controversé « Pacte des Loups » de Christophe Gans au cinéma. Ainsi, Antoine Chastel aurait vécu parmi les Huguenots du Vivarais avant d’ être envoyé aux galères à Toulon. Des pirates d'Alger l'auraient ensuite capturé. Devenu leur valet, il aurait été chargé de dresser et nourrir les fauves de leur ménagerie. De retour au pays, il aurait vécu caché dans les bois avec quelques molosses aussi farouches que des loups, et peut-être même avec une hyène ramenée d'Afrique. Il les aurait lâchés ponctuellement sur les pauvres habitants du Gévaudan, en guise de vengeance.
Cette thèse serait étayée par le fait que les carnages de la Bête se seraient interrompus pile au moment où les Chastel avaient été mis en prison par Beauterne, alors que ceux-ci se seraient moqués de lui et de ses chasseurs d’élite. Mais cette piste reste peu probable. En effet, en 1765, Antoine Chastel n’a que 20 ans ! C’est un peu jeune pour avoir vécu autant d'aventures... Quoi qu’il en soit, 260 ans plus tard, le mystère reste entier...
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