Chemin de Régordane : histoire d'une route légendaire.
- Le Gabale
- 25 août 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 sept. 2023
Si vous randonnez sur l'axe Nord-Sud entre Villefort et Langogne, vous aurez certainement l'occasion de tomber sur des portions du Chemin de Régordane. «La provincia de Regordana» mentionnée en 1323 dans un acte du château de Portes, correspondrait approximativement au territoire qui s’étend entre les villes d’Alès, Chamborigaud, Pradelles et Largentière. Son nom proviendrait de gord ou gourd et désignerait un pays de vallées profondes.

Créée par les animaux.
Cette voie très ancienne est née bien avant l’apparition de l’homme, suite à une dislocation nord-sud avec charriage des plaques, qui ouvrit de nombreux cols. La faille généra de nombreuses sources sur sa longueur. Les premiers animaux du monde l’ont empruntée, de source en source, de col en col, dans un mouvement spontané de transhumance.
L’homme suivra les animaux, des millénaires plus tard, en créant une simple piste : la draille. Des convois d’étain l’ont aussi empruntée entre les ports phéniciens de Saint-Valéry-en-Caux, en Normandie, et de Saint-Gilles. Les Romains l’ont sans doute prise pour charrier les métaux extraits dans les lieux dédiés à Mercure, dieu du commerce et de l’industrie comme Mercoire, Mercoirol ou Mercouly. Mais ce n’était pas encore l’axe majeur qu’il deviendra au Moyen-Âge.
Aux XIIe et XIIIe siècles, le charroi se développe grâce à l’attelage. En cette période climatique favorable, les récoltes sont abondantes, des richesses se créent et il faut les transporter. Par leur passage répété, les charrettes d’une largeur de 1,40 mètre creusent des ornières sur les tronçons non schisteux. Une chanson de geste, le Charroi de Nîmes, dans la seconde moitié du XIIe siècle, évoque ce pays de Régordane où il y a « des chars et des charrettes à profusion. » Pendant des siècles, elle drainera aussi les pèlerins vers le tombeau de Saint Gilles dans son abbatiale au sud de Nîmes. La littérature médiévale révèle l’importance de ce sanctuaire comme le premier chemin de pèlerinage de notre pays.
Mise en péril
Au XIVe siècle, le climat devient froid et humide. La nourriture se raréfie et la population est réduite de moitié par la peste et la guerre de Cent Ans. Le charroi s’interrompt. La route se dégrade. Le Chemin de Régordane ne voit plus circuler que des convois de mulets dont certains, chargés d’argent ou de safran, se font dévaliser par les routiers anglais. Il faut attendre la fin du XVIIe siècle et l’attention que le Roi porte aux Cévennes protestantes, pour que le Chemin de Régordane reprenne vie. La route est plusieurs fois reconstruite suite aux dégâts du ruissellement. Au cours du XIXe siècle, on construit la route actuelle, toute en courbes pour adoucir les pentes et permettre aux chevaux des diligences de marcher au trot. Nos puissantes voitures doivent aujourd’hui encore s’en accommoder !
Et maintenant ?
De nos jours, la route est assoupie depuis plus de cent ans, comme la Belle au Bois Dormant! La parcourir, c’est lui redonner la vie car sa vocation, c’était le cheminement. Celui des marchands arvernes et grecs. Celui des chevaliers, des pèlerins, des colporteurs. Des jongleurs et des troubadours. Route du vin, des épices, du simple sel comme de l’huile et des fromages et route «stratégique» de l’étain vers la Méditerranée.
Itinéraire : La Bastide, étape et relais sur le chemin de Régordane.
Marcel Girault a passé de nombreuses années à récolter des informations dans toutes les archives afin de retracer mètre par mètre le parcours originel du Chemin de Régordane, et ses variantes au fil des siècles. Extrait de la traversée de la Bastide.

“Au début du XVIIIe siècle, La Bastide n’est qu’un modeste hameau d’une dizaine de maisons. On y trouve aussi une ferme auberge à l’enseigne de la Grand’Halte. (...) L’installation du chemin de fer, la situation de la Bastide à la bifurcation vers Mende de la ligne Clermont-Ferrand à Nîmes, la proximité de la station thermale de Saint Laurent les Bains, la fondation de la trappe Notre Dame des Neiges vers 1850, ont favorisé le développement du village. Celui-ci est né de la circulation : c’était l’étape obligée au pied de la montagne du Thort et avant la traversée des hauts plateaux. C’est pourquoi son histoire ne ressemble en rien à celle du village-communauté et il reste écartelé entre deux communes et deux départements, La Bastide-Puylaurent (Lozère) et Laveyrune (Ardèche), uniquement séparés par le ruisseau de la Trappe que la route franchit au milieu de l’agglomération.
Dans la traversée du village de la Bastide, le chemin de Regordane et la D906 se confondent pour franchir le petit ruisseau de la Trappe. Plus loin, la D906 s’infléchit à droite et s’élève doucement en décrivant une large courbe. La route royale continue, en ligne droite, à niveau, avant de monter rapidement par deux virages très serrés. Puis les deux routes se confondent à nouveau pendant un kilomètre. Le chemin de Regordane se sépare alors de la D906, descend dans les prés, à gauche de celui-ci, et franchit à gué la rivière de l’Allier et le ruisseau du Fraïsse. L’ancienne route se présente ensuite sous l’aspect d’un chemin de terre, parallèle à la rivière et à la ligne de chemin de fer dont il épouse les larges courbes. Le Chemin rejoint la route goudronnée du Fraïsse et franchit l’Allier avec elle sur un beau pont de pierre. M. de Froidour ne prévoit de construire des ponts qu’aux deux passages de l’Allier qu’il passe à gué. Il semble donc que le franchissement des ruisseaux de la Trappe et du Fraïsse ne présentait pas de difficultés en 1668. (...)
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